Le parcours de Bill Zito l’a mené d’un abri des majeures à la finale de la Coupe Stanley

SUNRISE, FL - JUNE 23: General manager Bill Zito presents Paul Maurice with a team jersey after he was introduced as the new head coach of the Florida Panthers at the FLA Live Arena on June 23, 2022 in Sunrise, Florida. (Photo by Joel Auerbach/Getty Images) *** Local Caption *** Paul Maurice;Bill Zito
By Marc Antoine Godin
May 26, 2023

Ayant grandi à Milwaukee, Bill Zito était adolescent lorsqu’il a eu la chance de devenir préposé au bâton pour les Brewers. C’était à l’époque où les Brewers, portés par Robin Yount, Paul Molitor et Cecil Cooper, ont atteint la Série mondiale en 1982.

On peut dire que c’est la première finale d’un sport majeur que Zito a vécu un tant soit peu de l’intérieur. Mais jamais d’aussi près que la finale de la Coupe Stanley à laquelle le directeur général des Panthers de la Floride s’apprête à prendre part.

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Le DG des Brewers était un type du nom de Harry Dalton. Vétéran de la guerre de Corée, puis brièvement journaliste sportif, Dalton avait gravi les échelons chez les Orioles de Baltimore et, près de 25 ans plus tard, il était chez les Brewers à la tête d’une troisième équipe en carrière.

Dalton avait pris Zito sous son aile, flairant chez lui une éthique de travail toute particulière. Zito rêvait de devenir joueur de hockey, mais une carrière professionnelle était hors d’atteinte pour lui.

« En tout cas, si tu ne joues pas, tu devrais aller vers le management », lui avait dit Dalton, qui fut le premier à faire valoir auprès de Zito l’importance d’être un bon recruteur.

Zito allait fréquemment dans son bureau et Dalton prenait le temps de lui montrer les rouages du système. C’était une chance inouïe d’obtenir un tutorat de premier ordre.

Par la suite, Zito est parti pour l’Université Yale, où il a fait partie de l’équipe de hockey, puis il est devenu l’entraîneur-adjoint des Badgers de l’Université du Wisconsin en même temps qu’il terminait ses études en droit.

« J’aurais voulu me diriger vers le recrutement et le management, mais je n’étais pas dans une situation financière où je pouvais me permettre un petit salaire à cause de mon prêt universitaire et celui de la faculté de droit, nous a expliqué Zito lors d’une entrevue réalisée le printemps dernier. Et le coût d’opportunité était quand même un assez bon boulot comme avocat, et j’aimais ça. Alors je faisais ça et en même temps je représentais des joueurs. Éventuellement j’ai complété la transition en démarrant Acme. »

Acme World Sports est le nom de l’agence qu’il a fondé en 1995 avec Markus Lehto, qui représente aujourd’hui des joueurs comme Roope Hintz, Teuvo Teravainen et Jesperi Kotkaniemi pour le compte de Wasserman, la méga-agence qui a acheté Acme en 2020.

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« Tout mon parcours est assez unique », a convenu Zito.

Plus tôt cette semaine, Zito a été choisi parmi les trois finalistes au titre de directeur général de l’année dans la LNH, ce qui en a fait sourciller quelques-uns étant donné que les Panthers sont passés à un cheveu de rater les séries éliminatoires. Il faut préciser que les DG de la ligue procèdent à ce vote à mi-chemin dans les séries, et non au terme de la saison régulière.

Pourtant, on ne saurait ôter à Zito le mérite d’avoir mis la main l’été dernier sur le patineur qui fait la plus grosse différence en séries jusqu’à maintenant, soit l’ailier Matthew Tkachuk. Mais l’ancien bras droit de Jarmo Kekalainen à Columbus pendant sept ans a également ses empreintes partout sur cette formation qu’il a grandement modifié en l’espace de trois ans.

Auparavant, Zito était allé chercher d’anciens hauts choix de repêchage qui avaient soif de gagner et qui étaient plus que mûrs pour un nouveau départ (Sam Reinhart, Sam Bennett). Il avait parié sur le talent de défenseurs dans la fleur de l’âge qui n’avaient pas réussi à maximiser leur talent ailleurs (Brandon Montour, Gustav Forsling). Et l’embauche de Carter Verhaeghe en tant que joueur autonome ne cesse de porter fruit depuis 2020, l’ancien du Lightning de Tampa Bay ayant même inscrit 42 buts cette saison.

Cela va donc bien au-delà de l’échange qui a envoyé Jonathan Huberdeau et Mackenzie Weegar à Calgary en retour de Tkachuk, et le fait que le travail de Zito soit salué par ses pairs pour la deuxième fois en trois ans le reflète bien.

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Oui, le parcours du DG des Panthers est assez unique étant donné qu’il tient sa source dans un autre sport, mais également parce qu’il est l’un des rares directeurs généraux à avoir été agent.

Notons ici qu’il s’est passé moins de 15 mois entre l’embauche de Zito en Floride, en septembre 2020, et celle de l’ancienne agente Emilie Castonguay comme directrice générale adjointe des Canucks de Vancouver, en janvier 2022. Et entre les deux, Kent Hughes a été nommé directeur général du Canadien alors que l’ancien collègue de Zito, Brett Peterson, est devenu son adjoint en Floride.

L’autre assistant DG des Panthers, Paul Krepelka, est lui aussi un ancien agent.

C’est tentant d’y voir le début de quelque chose, mais ce n’est pas d’hier que des agents passent de l’autre côté de la table. Brian Burke a quitté la représentation de joueurs en 1987 pour devenir DG adjoint des Canucks, et il s’est retrouvé aux commandes des Whalers de Hartford en 1992. Deux ans plus tard, l’agent Pierre Lacroix prenait la tête des Nordiques de Québec.

Le rôle de DG, devenu beaucoup plus complexe qu’avant, requiert non seulement des qualités de gestionnaire, mais aussi une attention plus grande apportée aux joueurs et à ce qui peut les aider à atteindre leur plein potentiel. Zito a toujours perçu son travail d’agent comme un tremplin vers la gestion d’équipe – Hughes a exprimé la même chose à son arrivée à Montréal – mais il reconnaît les bienfaits de son expérience d’agent dans ses fonctions actuelles.

« Il y a une chose qu’il faut comprendre, c’est que les agents ont une vue de l’intérieur, à travers les vies et l’existence de leurs joueurs, des façons de faire de toutes les organisations de la Ligue nationale, ou du moins de celles auprès desquelles ils ont des joueurs, a expliqué Zito. Et ils sont aux premières loges pour voir – et ils le constatent parfois de leurs propres yeux en étant sur place avec les joueurs – de quelle façon une équipe X développe ses joueurs, comment sont ses programmes. Comment les traitent-ils? Comment sont les services ? Comment est la nourriture ? Que fait l’équipe au niveau de la santé mentale? Comment se passe la communication au niveau de la LNH et au niveau de la Ligue américaine, et dans le département du recrutement ?

« Donc tu interagis avec le DG, avec le DG adjoint, avec le DG des ligues mineures, les entraîneurs. Et tu apprends tout cela de toutes les organisations, ce qui te permet d’en apprendre beaucoup de ce point de vue-là. »

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Zito, Hughes, Castonguay et Krepelka ne sont pas seulement d’anciens agents qui ensuite devenus des dirigeants, ce sont aussi des personnes qui ont étudié le Droit, à l’instar de Julien BriseBois (Tampa) et Chris MacFarland (Colorado), deux autres directeurs généraux qui n’ont cependant jamais été agents.

Avoir développé une pensée juridique est selon Zito l’un des atouts qui se transpose le mieux dans le travail d’un bon DG.

« À la faculté de droit, on vous enseigne à trouver la meilleure réponse, a précisé Zito. Si tu construis un mur, d’habitude les gens vont construire un mur et quelqu’un va dire, ‘on a besoin de ciment pour boucher ce trou-là’. Un gars va aller chez Home Depot pour acheter du ciment, il va revenir et va dire, ‘ouais, ça marche’. À la faculté de droit, on vous enseigne à demander ‘est-ce qu’il s’agit du meilleur ciment?’

« Alors souvent je vais demander, ‘est-ce que c’est la meilleure façon de procéder?’ Je sais que ça marche, mais est-ce qu’il y a une meilleure façon de faire? Ça peut être très dérangeant. Quelqu’un pourrait me regarder et me demander pourquoi je veux faire les choses autrement. Parce qu’il y a toujours une meilleure façon de procéder. Je ne sais pas ce que c’est, je fais juste demander ‘as-tu considéré une autre façon de faire ça?’ La marge d’erreur est tellement petite; il y a quelqu’un quelque part qui le fait d’une meilleure façon.

« Alors cet enseignement-là m’a été pas mal utile. »

Comme à chaque année, les équipes de la LNH décortiqueront l’ADN des équipes gagnantes afin de trouver des éléments qu’ils pourraient intégrer à leur propre recette. Les Panthers profitent actuellement d’un gardien au sommet de son art, même si rien dans le rendement de Sergei Bobrovsky au cours des dernières années n’annonçait un tel sursaut de domination. Signer un gardien à 10 millions $ ne sera probablement pas perçu comme la voie de l’avenir.

Mais peut-être regarderons-nous la charge de travail des gardiens, justement, et l’essence qu’il leur reste dans le réservoir une fois en séries.

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Peut-être regarderons-nous le nombre limité de très jeunes joueurs dans la formation des Panthers.

Mais peut-être faudra-t-il aussi regarder la façon dont les Panthers ont identifié la manière de faire éclore des joueurs comme Verhaeghe, Bennett, Montour et Forsling – on peut ajouter Anthony Duclair à cette liste – et en faire des ingrédients de leur succès.

Acquérir à prix réduit des joueurs qui ne fonctionnent pas à plein régime ailleurs et libérer leur plein potentiel au sein de sa formation est un des grands secrets du recrutement professionnel et de l’évaluation de talent.

Car au hockey, le talent peut émerger de n’importe où.

Même de l’abri des Brewers de Milwaukee.

(Photo: Joel Auerbach / Getty Images)

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