Design expérimental : évaluer l’efficacité média

4 février 2016 | Grant Le Riche, directeur général, Canada, TubeMogul

Grant le RIche
Grant le Riche

Les annonceurs sont obsédés par la quantification des choses – à juste titre d’ailleurs : on ne peut améliorer ce qu’on ne peut pas mesurer.

Longtemps, l’évaluation des médias était relativement simple. Il suffisait de savoir combien de gens avaient vu ses annonces et combien d’annonces ces gens avaient vues en tout. Le rapport entre ces deux valeurs permettait d’établir les Points d’exposition brute (PEB), la mesure en fonction de laquelle la plupart des annonces télé étaient vendues et achetées. Quant aux quotidiens, ils avaient le tirage, et l’affichage, les données de circulation et de population. C’était le bon temps.

Puis vinrent les médias numériques et tout a basculé. On s’est souvent mis à parler de taux de clics, de taux de conversion et de leurs coûts par mille. Tout ceci a finalement ramené ces valeurs à leur coût unitaire. Plus récemment, on a réussi à quantifier des mesures comme la visibilité, le pourcentage de l’audience cible atteint et même des données plus diffuses comme la notoriété et la réceptivité. On peut désormais mesure les performances des campagnes plus précisément et plus rapidement que jamais.

Malgré tous ces progrès, nous avons de la difficulté à répondre à la question la plus importante que se posent les annonceurs : ma publicité a-t-elle fait augmenter mes ventes? La façon la plus courante d’essayer de mesurer cela est de calculer le CPA, le coût par acquisition. C’est un terme utilisé couramment en marketing direct. Le calcul sert de mesure de succès de campagnes de marketing direct ayant pour but de motiver les consommateurs à passer à l’action (en cliquant sur un bouton « Acheter maintenant », par exemple).

Même à l’ère du numérique, l’évaluation du CPA ne tient pas compte de toutes les variables nécessaires pour comprendre précisément comment les dépenses marketing influent sur la rentabilité de l’entreprise. En fait le modèle du CPA comporte trois erreurs, ou illusions, qui surviennent naturellement.

  1. L’illusion intra-marché. Votre annonce a-t-elle vraiment entraîné une vente, ou avez-vous tout simplement mesuré quelqu’un qui avait déjà l’intention de faire un achat? Comment s’assurer que son annonce a vraiment été l’élément déclencheur? Or, corrélation ne signifie pas causalité, comme le démontre cet article (en anglais). Les modèles basés sur le CPA n’ont aucun moyen de savoir si une personne avait déjà l’intention de faire un achat. La nuance est importante parce qu’il en coûte moins cher de rejoindre certains publics, tels que les clients fidèles ou les personnes ayant récemment consulté une page web.

    Le biais intra-marché est compliqué du fait que les gens qui ont l’intention d’acquérir un certain produit adoptent des comportements plus faciles à évaluer : ils consultent des pages web, s’abonnent à des bulletins courriel ou effectuent des recherches à propos de ce produit. C’est d’ailleurs pourquoi la publicité dans les moteurs de recherche performe si bien du point de vue coûts.

  2. L’illusion de l’aubaine. La plupart des annonceurs ont probablement entendu parler du « bombardement des fichiers témoins », une tactique qui implique le fait de diffuser autant d’annonces numériques dans autant de sites que possible pour rejoindre le plus grand nombre de gens au moindre coût possible. Plus le nombre d’annonces diffusées est grand, plus le nombre des fichiers témoins reçus est élevé – et, lorsque l’on mesure le succès en fonction du rapport entre le coût total de l’opération et nombre de personnes (fichiers témoins) atteintes, plus votre dénominateur est grand, plus votre résultat final est petit.

    Considérez par exemple, les scénarios suivants :

    Scénarios

    La tactique A coûte un peu moins cher par acheteur, certes, mais c’est la tactique B qui obtient le résultat qui importe vraiment aux annonceurs : 2 nouveaux acheteurs.

  3. L’illusion numérique. Si les médias numériques accapareront 36 % des budgets publicitaires canadiens en 2016 selon eMarketer, la majorité des ventes et des transactions ont lieu hors ligne. Toutefois, la plupart des annonceurs n’incluent que leurs dépenses publicitaires en ligne dans leurs calculs d’évaluation, parce qu’il est relativement facile d’établir la corrélation entre les budgets dépensés en publicité numérique et les ventes par Internet. Même si cela peut sembler compliqué, les annonceurs doivent trouver le moyen de tenir compte de leurs ventes en ligne et de leurs ventes hors ligne dans la portion « acquisition » de leurs évaluations.

Ces illusions peuvent s’avérer difficiles à éliminer, même pour les annonceurs les plus sophistiqués. Il y a cependant de la lumière au bout du tunnel. En appliquant un principe académique appelé « design expérimental », qui postule que pour obtenir une évaluation valide, les annonceurs doivent considérer toutes les variables avant le début de l’expérience, on peut commencer à se faire une meilleure idée du retour sur investissement de leurs budgets publicitaires.

Alors, que devraient considérer les annonceurs avant le début d’une campagne? Tous ceux qui allaient acheter leur produit de toute façon. Ces gens représentent votre groupe de contrôle. Disposer d’un tel groupe permet aux annonceurs de cesser d’essayer de deviner si leur publicité a suscité des ventes ou non et d’en mesurer l’augmentation réelle au lieu de se contenter de mesures relatives. Autrement dit, plutôt que de mesurer le total de leurs ventes, les annonceurs doivent évaluer combien il y a eu de ventes additionnelles.

Il existe diverses méthodes pour établir ces groupes de contrôle, mais la meilleure est d’utiliser des annonces placebos : des publicités non liées au produit et qui, de ce fait, ne devraient pas avoir d’influence sur la façon dont les gens perçoivent la marque. Les annonceurs peuvent aussi utiliser des créations différentes, la même création dans plusieurs marchés, ou divers formats d’annonces dans un seul marché, en gardant à l’esprit que cela ne fournira qu’une partie de l’histoire.

Plusieurs annonceurs ont des systèmes et des partenaires établis qui rendent plus difficile la mise en œuvre de ce design expérimental. De surcroît, nombre d’entre eux n’ont pas les budgets pour tester plusieurs solutions. Cela dit, les annonceurs vraiment à la recherche d’une meilleure façon d’évaluer le succès publicitaire pourront certainement trouver les ressources nécessaires.